Botulisme

Clostridium botulinum est une bactérie ubiquitaire, retrouvée dans la terre et les sédiments marins. Elle colonise le tube digestifs d’animaux (porc, volailles, poissons) dont les fèces assurent la dissémination des spores dans l’environnement. La pathogénicité de ce germe est issue de la production d’une toxine, la plus puissante connue dans la nature : la toxine botulinique. On décrit classiquement trois formes d’infections par C. botulinum :

  • la forme paralytique (ou botulisme infantile) qui est l’apparition rapide d’une paralysie descendante avec gêne respiratoire et hypotonie chez les nourrissons (< 12 mois) ;
  • le botulisme alimentaire (à la suite de la consommation d’aliments avariés et sans respect des mesures d’hygiène) ;
  • et le botulisme d’inoculation (colonisation d’une plaie, souillée par de la terre, l’un des milieux de vie de C. botulinum).

C. botulinum est une bactérie qui prolifère le mieux entre 25 et 37°C. Ce n’est pas la bactérie en elle-même (quelque soit sa forme) qui est préoccupante, c’est sa production de toxine botulinique, une neurotoxine (à noter que d’autres espèces de Clostridium peuvent aussi produire la neurotoxine botulinique). En outre, lorsque les conditions de vie de l’environnement de C. botulinum sont devenues défavorables, elle adopte une conformation : le spore. Cette propriété particulière, la sporulation, lui permet de résister à la chaleur, à la baisse des nutriments, au rayonnement. En l’absence d’oxygène, le spore germe et produit la toxine botulinique. Bien que cette neurotoxine puisse être détruite à partir de 80 °C, il faut une température de 120°C pendant au moins 15 minutes pour se débarrasser des spores.

Histoire

Disposer d’une subsistance en stockant des aliments en période d’abondance pour pouvoir les consommer l’hiver ou par temps moins fastes aurait rendu nécessaire l’élaboration de stratégies de conservation des aliments (cf. article sur la conservation des aliments, Wikipédia). Plusieurs techniques étaient utilisées, en fonction des ressources disponibles et du climat de la région : le séchage, le fumage, la congélation puis l’utilisation d’agents conservateurs (salaison, saumurage, enfouissage dans la graisse, l’huile, le miel ou le sucre). Cependant, ces techniques avaient une efficacité limitée, n’empêchaient pas la prolifération bactérienne. Les premiers cas de botulisme alimentaire apparurent probablement, dans l’histoire de l’humanité, avec la conservation d’animaux, colonisés par C. botulinum (surtout présent dans leur tube digestif).

Le XIXème siècle plongea de nombreuses populations dans une plus grande pauvreté à la suite, notamment, des guerres napoléoniennes. Ces difficultés entraînèrent une baisse des précautions d’hygiène dans la conservation des aliments (charcuteries). On assista, dans le Sud de l’Allemagne, à une augmentation du nombre d’empoisonnement fatal par ingestion de nourriture avariée. En 1822, Justinus Kerner parvint à décrire les symptômes de ces empoisonnements. En 1870, un médecin allemand, Müller, lui donna le nom de « botulisme » (du latin botulus, signifiant boudin, saucisson ou boyau farci).

Ces techniques de conservations ne permettaient pas de conserver les propriétés gustatives et nutritionnelles des aliments dans leur intégralité, et, surtout, étaient onéreuses. En effet, l’Ancien Régime avait instauré un impôt sur le sel : la gabelle. Ce fut dans ce contexte qu’un ancien officier de bouche, Nicolas Appert, qui, en ouvrant une boutique de confiseur, à Paris, commença à élaborer un nouveau procédé de conservation : l’appertisation, en 1795. Nicolas Appert mit des aliments dans des bouteilles rendues étanches, qu’il chauffa (110-120 °C). Les aliments «  appertisés » étaient les légumes, la viande ou les fruits de mer (cf. article Conserve sur Wikipédia). Il ouvrit la première fabrique de conserves au monde, à Massy, en 1806 et fournit la marine française qui en fut satisfaite. Afin de « faire profiter l’humanité de sa découverte plutôt que de s’enrichir », Nicolas Appert choisit de ne pas breveter sa découverte et la publia à 6 000 exemplaires (diffusée très largement dans toutes les préfectures). Jusqu’à l’arrivée de Pasteur, on n’avait pas pu déterminer ce qui du chauffage ou du maintien en vase hermétiquement clos était responsable de la conservation des aliments. Quoiqu’il en fut, la technique d’Appert respectait mieux le goût, les apports nutritionnels (notamment celui de la vitamine C, évitant le scorbut) et réduisit les risques d’infection alimentaire.

Ce ne fut qu’avec les développements scientifique et médical (une meilleure compréhension des symptômes, une meilleure description des malades) que le botulisme commença à être individualisé, en tant que maladie, entre la fin du XVIIIème et le début du XIXème siècle. Cette meilleure identification de la maladie permit l’augmentation du nombre de cas diagnostiqués. Toutefois, l’amélioration des techniques de conservation des aliments (grâce à l’appertisation), la baisse du nombre de conserve dites « familiales » ou « artisanales » permirent de drastiquement réduire le nombre de botulisme alimentaire.

Alors que le nombre de botulisme diminua au cours du siècle dernier, de nombreux « pas de côté » furent à l’origine de drames.

Ainsi, en septembre 2023, seize cas de botulisme (10 hospitalisations, 1 décès) à la suite de la consommation de conserves de sardines « faites maison » furent recensés. Le patron de l’établissement fut mis en examen pour homicide et blessures involontaires en décembre 2023. En juillet 2025, une femme de 78 ans serait décédée de botulisme après avoir mangé des conserves « familiales » de carottes. D’autres personnes auraient également présenté des signes de botulisme alimentaire.

Epidémiologie

En France, la majorité des cas de botulisme est alimentaire (intoxications alimentaires) et représentent environ 1,5 à 4 cas pour 10 millions d’habitants entre 1992 et 2012. Aux Etats-Unis, il s’agit principalement de cas de botulisme infantile.

Physiopathologie

Pour se mettre en mouvement, pour respirer, notre corps a besoin de muscles. L’activation de ces muscles est sous la dépendance de neurones. Lorsqu’une impulsion électrique traverse un neurone, elle aboutit à la libération de petites molécules telles que l’acétylcholine. Cette molécule va se fixer sur un récepteur, au niveau du muscle et entraîner sa contraction. La toxine botulique vient bloquer la libération d’acétylcholine au niveau du neurone. Le muscle ne reçoit pas de commande et est « paralysé ». C’est ce qui explique la gêne respiratoire et la paralysie, souvent observée chez les nourrissons. Il s’agit d’une maladie mortelle (environ 10-15 % de mortalité). La particularité de la toxine botulique est sa demi-vie intracellulaire très longue (pouvant aller de quelques semaines à plusieurs mois).

Soit cette toxine est ingérée (dans le cas d’une intoxication alimentaire) soit elle est produite par les spores qui sont ingérés (chez les nourrissons de moins d’1 an).

Formes cliniques

1 Le botulisme infantile se caractérise par l’apparition soudaine d’une constipation, suivie, rapidement, par une difficulté alimentaire, puis par une faiblesse musculaire descendante (ptôsis, perte d’expression faciale, hypotonie généralisée, sans fièvre)

2 Le botulisme alimentaire apparaît entre 6 heures et parfois 10 jours après l’ingestion d’aliment contaminé. Les premiers signes sont digestifs et non spécifiques (diarrhée, etc.) puis suivent rapidement des symptômes neurologiques (dysphonie, dysarthrie, faiblesse musculaire généralisée). La constipation est un symptôme tardif courant et la notion de cas groupés doit être recherchée.

3 Le botulisme d’inoculation ressemble au botulisme alimentaire sans les symptômes digestifs (et peut apparaître jusqu’à semaines après une plaie souillée).

Traitement

En cas de suspicion de botulisme, l’urgence est l’hospitalisation avec une surveillance dans un service de soins continus ou de réanimation. On doit introduire précocément (dans les 24 premières heures, idéalement) un mélange d’anticorps qui viendra bloquer la toxine botulinique. Toutefois, la récupération risque de prendre de nombreuses semaines voire de nombreux mois.

Prévention

La prévention principale, nous l’avons vu, repose sur une hygiène alimentaire répandue (lavage des aliments) et rigoureuse (pas de conserve « familiale », conservation des aliments stricte).

Chez les nourrissons (moins de 2 ans), il est strictement proscrit de leur administrer du miel (car il contient de nombreux spores de C. botulinum).

A l’occasion d’un cas de botulisme en juillet 2025, l’ARS Pays de la Loire rappelle :

« 

A l’ouverture d’un produit en conserve ou bocal, s’il existe un doute, notamment une odeur ou une couleur anormale, si la conserve n’émet pas de bruit à l’ouverture, si la boite de conserve est gonflée, il convient de jeter le produit et ne pas le consommer.

 »

Vaccination

Il existe un vaccin mais dont l’efficacité n’a pas été totalement démontrée avec des effets indésirables prouvées. C’est pourquoi il n’est pas proposé en routine. Plusieurs équipes essaient d’élaborer une stratégie vaccinale contre le botulisme.

Utilisations de la toxine botulinique

Il existe de nombreuses affections médicales où la toxine botulique est utilisée : il peut s’agir notamment d’agir sur un excès d’ « activité » d’un muscle (comme chez les patients avec une dystonie, un syndrome CHARGE ou une vessie hyperactive). La toxine est également utilisée en cosmétologie (le Botox®). Elle fait également l’objet de nombreux travaux de recherche scientifique.

Je suis le Dr. Maji, Pédiatre à Paris. Cet article apporte une information médicale et ne se saurait se substituer à une consultation.

Références

S S Arnon (1980). Infant Botulism, Annual Reviews

Leggett, M et al (2012). Bacterial spore structures and their protective role in biocide resistance, Journal of Applied Microbiology

Setlow, P. (2014). Spore resistance properties. Microbiol Spectrum

Walewski V (2019). Clostridium botulinum. Société Française de Microbiologie.

Article Botulisme (2023), OMS

Dong et al. (2019). Botulinum and Tetanus Neurotoxins. Annual Reviews.

Sundeen et al (2017). Vaccines against Botulism, Toxins.

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